LE CENTRE D''INITIATION AU PATRIMOINE
ET A L'ENVIRONNEMENT DE VILLEFRANCHE DE CONFLENT
L'Association Culturelle de Villefranche de Conflent est locataire, depuis 1970, du bâtiment connu sous le nom d'"'ancien hôpital
de Villefranche", propriété communales, classé Monument Historique.
La partie la plus ancienne de cet ensemble est la tour carrée dite d'En Solenell, construite à la fin du XIème siècle, manifes-
tement pour abriter une petite garnison chargée de protéger le chantier de la construction de remparts. Initialement isolée,
cette tour avait un rez-de chaussée compact, renfermant uniquement une citerne, transformée au XVIIème siècle en glacière
alimentée l'hiver par la glace du Canigou. On n'y accédait qu'au niveau du premier étage, par un escalier en bois, démontable en cas d'attaque.
Sitôt les remparts construits, c'est à dire dès le début du XIIème s., la tour a perdu son utilité militaire et deux corps de bâtiments, accessibles par des portes à arcades romanes, lui ont été accolés, un à l'est, (rue Saint Jean), et l'autre au sud (placette). La façade rue Saint Jean a été remplacée au XIIIème siècle par une autre de style gothique, à arcades légèrement brisées, surmontée par une terrasse crénelée.
Dans le troisième quart du XVIIème s., le gouverneur militaire français s'y est installé pendant la durée de la construction du fort de Villefranche, beaucoup plus tard appelé Liberia. Ce bâtiment a ainsi servi de cadre aux principaux épisodes de la conspiration de Villefranche, en 1674.
Après le départ du gouverneur, l'autorité militaire française y a installé la communauté monastique franciscaine dont le précédent couvent, au faubourg, était censé faire obstacle au tir des pièces d'artillerie du bastion de la Reine. A la disparition de celle-ci, au XVIIIème s., le bâtiment a accueilli l'hôpital militaire, fonction qu'il a occupé de manière discontinue jusqu'à la seconde guerre mondiale, d'où le nom qui lui est resté.
Restauré depuis 1970 par l'Association Culturelle avec le concours de la municipalité, l'ancien hôpital abrite depuis 1979 le Centre d'Initiation au Patrimoine et à l'Environnement de Villefranche de Conflent, il prépare, accueille et anime, depuis 1982, des classes de patrimoine, dont il fut pendant une dizaine d'années le principal organisateur de France. Il s'investit depuis quelque temps dans le programme européen Erasmus+.
LE LIVRE DES 4 CLOUS
La Mairie de Villefranche a conservé un exceptionnel cartulaire enluminé sur parchemin, le "Livre des 4clous" ( en raison des
4 cabochons de cuivre qui ornent chacun de ses plats de couverture). Les 45 feuillets de celui-ci se répartissent en trois ensembles:
- le recueil, opéré en 1324 à la demande des consuls de la ville, recopié par Pierre Sexo et certifié par Bernard de Joncet,
Juge de Conflent et Capcir, de la charte de fondation de Villefranche et de 27 privilèges concédés, moyennant finances, par les
suzerains successifs, dont le rachat des droits d'exorquia, intestia et cogucia, plus quelques privilèges juridiques.
- 3 privilèges rajoutés postérieurement à 1324 ( le dernier en1633)
- copie, vers 1387, d'une sélection de jurisprudences compilées vers 1335 par le Viguier du Conflent à la demande du Roi Jacques III de Majorque
Il s'agit donc d'un corpus de textes faisant autorité et que les consuls pouvaient ainsi exploiter pour défendre les intérêts de leurs mandants. Ceci explique la mise en page très particulière, où chaque article original, en latin et rédigé à l'encre brune, est précédé d'une brève introduction, en vieux catalan et à l'encre rouge, permettant de retrouver plus commodément le passage recherché.
En ce qui concerne la charte de fondation de Villefranche, la date indiquée par le manuscrit, 1075, est impossible, la plupart des signataires du texte n'étant alors pas en fonction. Par recoupement entre l'intronisation de l'évêque Artal sur le siège épiscopal d'Elne, en 1092, et le décès du comte Guillaume Raymond de Cerdagne, en 1095, la rédaction de ce document, et par suite la création de Villefranche, peuvent donc être situées dans cette fourchette.
DE VAUBAN A L'UNESCO
Les troupes française commandées par Bussy-Rabutin, qui prennent Villefranche en 1654 après un court siège, n'envisagent pas de garder la ville, et s'emploient à détruire l'essentiel de ses remparts avant de la restituer à l'Espagne. Mais, en 1659, le Traité des Pyrénées rattache le Conflent à la France. Les remparts sont donc sommairement relevés avant que Vauban, à l'occasion de deux voyages successifs (1669 et 1679), n'y réalise un chef d'œuvre de résolution de contraintes à priori insurmontables.
Les siècles suivant n'y apporteront que de discrètes retouches, ce dont atteste l'étonnante similitude entre l'aspect actuel de notre cité et celui qu'en donne le Plan-Relief de 1686, conservé aux Invalides.
C'est l'authenticité de la conception "vaubanesque" de cette architecture, son exceptionnel état de conservation et la valorisation qui en a été opérée à partir de 1970 avec le partenariat de l'Association Culturelle qui ont déterminé l'UNESCO à l'inscrire sur la liste du Patrimoine de l'Humanité, au titre des douze villes partenaires du Réseau des Sites Majeurs de Vauban.
Guy Durbet