AMOPA 66
Association des Membres de l'Ordres des Palmes Académiques
Section des Pyrénées-Orientales
« L' ARN messager: de l'hypothèse aux vaccins »
Conférence de Michel DELSENY organisée par l'AMOPA 66
Membre de l'Académie des Sciences
Officier dans l'Ordre des Palmes Académiques.
Membre conseiller du bureau de l'A.M.O.P.A. 66
L’ARN messager (ARNm) a fait la une des journaux avec les nouveaux vaccins contre la COVID 19. Pourtant son histoire et son impact sur la biologie au cours des soixante dernières années sont largement méconnus.
La commercialisation de vaccins fin 2020 résulte d’une longue série de découvertes et d’avancées qui ont révolutionné la biologie et est tout sauf une opération risquée de quelques apprentis-sorciers pour laquelle on manquerait de recul.
La conférence illustrera cette histoire dans laquelle les problèmes scientifiques rencontrés, la ténacité de quelques chercheurs, et les choix politiques et économiques se sont entremêlés. Les perspectives seront discutées.
Michel DELSENY est Directeur de recherche émérite honoraire au CNRS, ancien directeur du laboratoire Génome et Développement des Plantes à l’Université de Perpignan. Il est membre de l’Académie des sciences. Il est également membre de l'AMOPA 66 (Association des Membres de l'Ordre des Palmes académiques).
La conférence a eu lieu le Jeudi 14 avril, à 15 heures
Salle Théodore BERTHOMIEU à SAINT LAURENT DE LA SALANQUE
Pour en savoir plus sur Michel Delseny
La conférence
Michel Delseny présenté par Cécile Brennan-Sardou
à M.Alain Got, maire de St Laurent de la Salanque
La salle Théodore Berthomieu a accueilli une cinquantaine de personnes
Un résumé de la conférence
L’ARN messager, de l’hypothèse aux vaccins
Une conférence de Michel Delseny,
membre de l’Académie des Sciences,
Officier dans l’Ordre des Palmes Académiques et membre de l’AMOPA 66,
à Saint Laurent de la Salanque, le 14 avril 2022.
La conférence a eu lieu dans la salle Théodore Berthomieu de la mairie de Saint Laurent de la Salanque, mise à disposition par Monsieur le Maire, Alain Got, devant une cinquantaine de personnes.
La Présidente Cécile Brennan-Sardou a d’abord présenté le conférencier et exprimé ses remerciements au maire pour son accueil.
Le Maire, M. Alain Got a répondu en évoquant son parcours au CNRS, aux côtés de Michel Delseny et en souhaitant la bienvenue à l’ensemble des présents.
La conférence a duré un peu plus d’une heure et a été suivies de nombreuses questions dont les réponses se sont terminées autour de quelques boissons fournies gracieusement par la municipalité.
L’ARN messager (ARNm) a été mis en lumière par la mise au point de vaccins anti-Covid 19, mais son histoire remonte au début des années soixante, lorsque François Jacob et Jacques Monod, à l’institut Pasteur, essayent de comprendre l’induction d’une enzyme de la bactérie Escherichia coli, la -galactosidase par un sucre, le lactose : en effet la bactérie, normalement, ne produit pas cette enzyme et ne se met à la fabriquer, au bout de quelques minutes, que lorsque le lactose est sa seule source de sucre.
François Jacob ; Jacques Monod et André Lwoff (Photo : Institut Pasteur)
Ces chercheurs, sur la base d’expériences de génétique, vont proposer en 1961, un modèle général de l’induction de l’activité des gènes qui leur vaudra le prix Nobel de médecine, avec André Lwoff en 1965. Ce modèle prédit, entre autres, l’existence d’une molécule intermédiaire entre l’ADN, support de l’hérédité, et la synthèse des protéines. Ils prédisent que cette molécule intermédiaire devrait être un ARN, l’ARNm. La réalité de cet ARNm sera démontrée simultanément dès 1961, par Sidney Brenner et François Gros, mais il faudra attendre une dizaine d’années avant que l’on sache le purifier et l’étudier chez les animaux et les plantes.
Sidney Brenner
Photo : The Scientist Magazine
François Gros
Photo : L'Express
L’ARNm est une copie d’un gène, fragment d’ADN codant pour une protéine. Cet ARNm allait révéler rapidement bien des surprises. Sa partie codante est très souvent morcelée dans l’ADN et l’on retrouve dans sa séquence un nucléotide supplémentaire, la coiffe, à l’une des extrémités et une série de résidus adényliques, le poly(A) à l’autre, qui sont absents de la séquence de l’ADN. Les gènes sont donc d’abord copiés, sous la forme d’un précurseur, qu’il faut « maturer » en éliminant les parties superflues et en ajoutant la coiffe et le poly(A).
L’ARNm mature est alors exporté dans le cytoplasme et traduit sur les ribosomes en protéines. Grâce aux progrès du génie génétique et des méthodes de séquençage de l’ADN, la séquence de très nombreux ARNm sera déterminée au cours des années 90.
Ces recherches auront deux applications majeures :
1) faciliter le déchiffrage et l’interprétation de la séquence des génomes, en permettant d’identifier dans l’ADN ce qui correspond à une partie codant pour une protéine.
2) permettre de faire produire à des bactéries ou des levures des protéines spécifiques utilisées comme médicaments, comme vaccins ou comme réactifs. L’insuline, les facteurs de coagulation, l’hormone de croissance ou des protéines de virus en sont quelques exemples.
Les vaccins sont un moyen efficace de protéger les populations contre les maladies infectieuses. Ils consistent à injecter à l’organisme une forme atténuée ou tuée de l’agent infectieux, ou l’un de ses composants afin de provoquer la synthèse d’anticorps spécifiques et de déclencher une immunité cellulaire. Ainsi des cellules cytoxiques débarrasseront l’organisme des cellules infectées.
L’idée a naturellement germé d’utiliser directement l’ARNm, plutôt qu’un composant de l’agent infectieux, pour provoquer la formation d’anticorps. Cependant, elle se heurtait à de nombreuses difficultés : comment produire de grandes quantités d’ARNm ?
L’ARNm est instable, comment le protéger puis le faire pénétrer dans les cellules et lui permettre d’assurer la synthèse des antigènes ?
Ces difficultés expliquent que la plupart des start-ups et des « big pharmas » ont eu recours à d’autres stratégies, souvent dictées par des impératifs financiers, mais les recherches ont été maintenues et progressivement les différentes difficultés ont été résolues. L’une des plus importantes et aussi des plus inattendues, a été l’observation de réactions inflammatoires exacerbées.
Cette dernière a été résolue en 2005 par Katalin Kariko en substituant la pseudouridine à l’uridine dans la synthèse in vitro de l’ARN.
Katalin Kariko (Photo : mma-conference.com)
La fin de la conférence a porté sur la biologie du virus SRAS-Cov2, et ses composants : un ARN qui peut être traduit directement et 4 protéines majeures dont la protéine spicule, contre laquelle les anticorps induits par les vaccins sont dirigés. Cette biologie est complexe et il a fallu réaliser un certain nombre de manipulations avant de produire in vitro une molécule d’ARNm vaccinale.
Finalement, le tour de force industriel qui a consisté à passer de la fabrication de quelques microgrammes d’un vaccin potentiel à la production de milliards de doses à un coût raisonnable a été évoqué.
Le public, très attentif pendant l’exposé, a ovationné le conférencier qui a répondu au grand nombre de questions suscitées par le sujet très actuel de la conférence.
Visualiser ci-dessous le diaporama de la conférence
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