Le site historique du col de Panissars
Conférence du Colonel Antoine Guerrero
Lycée Léon Blum de Perpignan - Jeudi 9 novembre 2017 à 15h00
Pour de nombreux habitants de notre département, ce nom n’évoque qu’un col situé entre deux points de passage, l’un à l’est derrière la colline de Bellegarde, le col du Perthus et l’autre à l’ouest, en longeant la frontière sur 1,5 km, le col du Priorat. Mais combien de personnes pensent, en évoquant ce nom, aux 18 siècles d’histoire que ce lieu représente ?
Sur ce col de 333 m d’altitude, 3 périodes sont lisibles dans la pierre ou le ciment de chaux. Un lien existe même entre ces différents événements. Dans l’ordre chronologique nous pouvons citer : la déviation de la Via Domitia du col du Perthus vers Panissars (vers 76 av.) ; l’édification du trophée de Pompée (71 av.) ; l’œuvre des moines bénédictins (IXe siècle au XVIe siècle). On s’appuie sur ce qui a existé pour mettre en valeur ce qui vous anime. Le Général Pompée dévie la Via Domitia parce que ce col représente un point de passage intéressant et plus sûr ; il fait construire le trophée qui portera son nom sur Panissars et non pas par exemple sur le point le plus haut de Bellegarde car la Via Domitia passe par ce site ; l’église Sainte-Marie est édifiée ici et pas ailleurs, car elle occupe l’emplacement d’un monument de l’Antiquité.
La frontière servira de parenthèses pour délimiter la période qui nous concerne : on ouvre la parenthèse en 76 av. J.-C. avec la frontière qui passe par Panissars et on la referme au XIXe siècle avec la matérialisation, par des bornes, de cette frontière sur ce même site.
La découverte de ce site romain est en grande partie due à une grande dame, Marie-Louise Blangy, professeur agrégé, passionnée par l’histoire de notre région. Les fouilles archéologiques furent réalisées de 1984 à 1993, sous la direction de l’archéologue Georges Castellvi.
Si les Romains, puis beaucoup plus tard les moines bénédictins d’Arles-sur-Tech choisirent ce site, c’est aussi et surtout parce qu’il s’agissait d’un point de passage important.
Au lendemain de sa campagne victorieuse en Hispanie, sur les troupes de Sertorius et de Perpenna, Pompée rentre à Rome. C’est à ce moment-là, vers 71 av. J.-C., qu’il entreprend de construire le trophée dans les Pyrénées. Le monument de Panissars a été implanté de part et d’autre d’une ligne de crête. Le tracé de la Via Domitia qui emprunte le passage de ce col, semble avoir déterminé le plan au sol du monument. Bâtiment imposant de l’ordre de 30 m X 30 m de surface au sol et 35 m de haut environ, le trophée de Pompée possède une particularité qu’on ne retrouve dans aucun autre des monuments de ce type : c’est aussi un arc ou une porte dont la symbolique paraît évidente à l’entrée de la province d’Hispanie. Le monument marquait ainsi la limite ou l’entrée des provinces hispaniques reconquises et sa traversée devait faire appel à plusieurs rites de passage liés à l’arc ou à la porte : en passant sous le monument, les voyageurs passaient sous la puissance de Rome et de Pompée.
Un autre monument romain, bien plus modeste, aurait été édifié à proximité, une vingtaine d’années plus tard (49 av.). Dion Cassius rapporte en effet que Jules César de retour de sa campagne victorieuse contre l’armée de Pompée (oct. 49 av.), aurait fait ériger un grand autel de pierre taillée et polie. Des traces de fondations creusées dans le gneiss sont visibles au sud/ouest du trophée., mais aucune certitude n’est de règle.
Le Trophée de Pompée sera ruiné dès le premier siècle et servira de carrière une première fois au profit de la construction des forts romains des Cluses au IV s.
En 878, le roi de France Louis II le Bègue donna au monastère bénédictin de Sainte-Marie d’Arles sur Tech, en Vallespir, la portion du territoire d’Agullana (aujourd’hui en Espagne) dénommée Panoniores.
24 silos datés de cette équipe ont été découverts lors des fouilles. Les structures médiévales et modernes encore visibles aujourd’hui sont l’œuvre des moines bénédictins appartenant dans un premier temps à l’abbaye d’Arles-sur-Tech, puis dans un 2ième temps, à partir de 1097, à l’abbaye de Ripoll. Ce prieuré médiéval est différent des autres sites religieux de la région. D’une part, il est situé sur l’emplacement même du trophée de Pompée et d’autre part il se retrouva plusieurs fois au cours de son existence longue de plus de six siècles, à cheval sur la frontière.
Par exemple, entre 1276 et 1344, avec la création du royaume de Majorque, ce col devint une zone plus propice aux militaires qu’aux religieux. Et pourtant les moines continuèrent à résider et à exploiter ce lieu avec plus ou moins de succès, probablement jusqu’en 1588. Ils ne l’abandonnèrent vraiment que vers 1678, date où Vauban décida de le transformer en carrière de pierres au profit de la construction du fort de Bellegarde.
Le prieuré Sainte-Marie de Panissars est un site relativement modeste quant à ses dimensions, mais qui a connu une vie intense et parfois même tumultueuse. Une existence qui provoque à la fois admiration et interrogations. Admiration quant à l’œuvre accomplie dans les domaines architecturaux et économiques, interrogations en ce qui concerne plus particulièrement sa fin de vie. Sentiments parfois contradictoires qui mettent en valeur cette part de mystère si jalousement gardée encore aujourd’hui.
Le fort de Bellegarde qui domine tel un aigle perché sur son rocher, n’est pas le seul site du Perthus qui mérite la visite des randonneurs et autres touristes. En effet, c’est bien à quelques centaines de mètres à vol d’oiseau, sous ses pieds, qu’une grande partie de l’histoire de notre région est lisible.
Antoine GUERRERO
Président du Centre Départemental de Mémoire
des Pyrénées-Orientales.